Au début était la chapellenie Sainte-Croix.
Non, il faut commencer avant.
Au début était le chapitre de Blaison.
C’est quoi un chapitre ? Il y avait une abbaye à Blaison ?
Non pas d’abbaye mais une collégiale.
Alors il y avait des moines ?
Pas de moines non plus. Le chapitre est le corps des chanoines d’une église cathédrale ou d’une collégiale.
On peut savoir d’où ils viennent ces chanoines ?
D’accord. Je raconte.
Au début de cette histoire, était Foulques Nerra (972-1040), puissant comte d’Anjou, belliqueux à l’extrême, cherchant des noises à tous ses voisins pour asseoir un peu plus sa puissance et agrandir son territoire. C’est, par ailleurs, un homme constructeur : de nombreuses forteresses sont édifiées. Les temps sont troubles, les guerres de conquête incessantes. Ce comte d’Anjou était très pieux mais cédait volontiers à une violence incontrôlée. Sa fureur en cas de victoire le faisait trucider un nombre incroyable d’ennemis. Pour racheter le salut de son âme, il a fait trois pèlerinages à Jérusalem et a doté villes et villages d’abbayes, de chapitres où chapelains et chanoines priaient Dieu pour le salut de son âme.
La Collégiale Saint-Aubin fut fondée en 1020. Pour suivre l’histoire de Blaison, on se reportera avec intérêt au livre de André Leroy, père : « Blaison Gohier, promenade dans son passé » réédité en 2007, aux ouvrages de Célestin Port et au chartrier de la Baronnie de Blaison déposé aux Archives départementales.
Pour notre modeste part, nous nous en tiendrons à la chapellenie Sainte-Croix, située à côté de la collégiale, séparée de celle-ci par l’ancien cimetière, relevé dans les années 1830.
LE CHAPITRE DE BLAISON
Le chapitre de Blaison est un chapitre séculier en opposition au chapitre régulier dont les membres étaient des moines qui observaient la règle d’un saint (les Bénédictins, la règle de St Benoît) et vivaient en communauté dans un monastère ou une abbaye.
Le doyen du chapitre de Blaison était le baron du lieu. Les autres membres étaient nommés soit par l’évêque d’Angers, soit par le seigneur, soit par un chanoine soit par le chapitre tout entier. Nous n'avons pas trouvé l'acte de fondation du chapitre.
Les différents articles de Jean-Michel Matz, maître conférencier en histoire médiévale à l’université d’Angers , nous ont permis de mieux comprendre le contexte qui entourait ces fonctions ecclésiastiques. Ceux de Jacques Maillard nous ont éclairés sur leur structure et leur fonctionnement (pour le chapitre St Martin d’Angers)
Le chapitre de Blaison était constitué, nous dit-on, à l’origine, de 4 chanoines et 10 chapelains. Puisque Sainte-Croix est une chapellenie, je développerai plus ce corps du bas-clergé qu’est celui des chapelains.
« La chapellenie peut se définir comme le bénéfice perpétuel, sine cura, tenu par un chapelain (clerc ou prêtre) chargé de dire, plus ou moins souvent chaque semaine, des messes à un autel déterminé. Elle est juridiquement une fondation car elle impose un lieu de culte déterminé, un desservant et un revenu perpétuel affecté à la célébration du service défini par le fondateur ». Le chapelain exploitait lui-même ou louait à un ou plusieurs fermiers les terres qui constituaient son bénéfice. Ceux-ci les exploitaient conjointement et solidairement selon les termes d'un bail très strict qui donnait plus d'obligations que de droits et fixait le revenu. Le terme régional de ce mode d'exploitation et de fiscalité est la frêche .On le retrouve dans les registres du temporel des différentes chapellenies.
Le chapitre de Blaison n’avait rien à voir avec celui des cathédrales et églises urbaines. Leurs membres étaient issus de la petite noblesse ou de notables roturiers qui avaient dans leur famille un fils qu’on avait versé dans la religion (souvent le second ou le troisième fils). Dans la liste des chanoines et chapelains, que nous construisons au fil de nos recherches, nous retrouvons à des époques différentes les mêmes patronymes : Fresneau, Frémont, Pauvert, Quatrembat. C’était parfois des prêtres d’une autre paroisse qui cumulaient les charges. Nous avons trouvé à ce sujet des réquisitions, pourparlers et jugements à propos d’une nomination d’un chapelain Doisteau qui avait des vues sur une chapellenie voisine de Sainte-Croix, celle de Soulaire, au 4, allée aux Prêtres. Les choses ne se passaient pas toujours très bien et l’époque étant très procédurière, sans en venir aux mains, on y allait de ses assignations et contraintes devant les autorités du lieu. Nous n’avons pas d’explication sur les critères retenus pour les nominations et les règles qui faisaient qu'un candidat devait obligatoirement avoir préséance sur un autre, pas plus que nous savons comment on sortait de la charge, hormis pour ceux qui la détenaient jusqu’à leur mort.
LA CHAPELLE SAINTE-CROIX AU TEMPS DU CHAPITRE
La chapelle Sainte-Croix avait, dans son temporel, une dizaine de frêches : Frêche de Patouillet, Pont de Cheman, Pussigné, Granges Florentines, de la Pionnerie, du Grand Robert du frêne, du Pâtis, du Bois Brinçon, Les Châtaigniers, du clos Boucheron, des Humelées, de la Cotellerie, de Montaigu, des Barbotines, de l'ouche Crapaud, du Fresne.
Nous avons retrouvé dans les livres de recettes des rentes dues aux chapelles (G1307 et 1308) le total des revenus de ces frêches pour la période courant de 1775 à 1793, soit 2 ans après la confiscation des biens ecclésiastiques par les révolutionnaires et la vente à des civils des immeubles ayant appartenu au chapitre. Pour autant, Mr Maignan qui résidait encore à Blaison, sans charge ecclésiastique, continuait de noter consciencieusement, les revenus des frêches qui étaient versés aux hospices d’Angers.
Extrait d’un registre contenu dans G1277 ADML
Elle avait aussi comme source de revenus le « logement de fonction » du chapelain, qui, dès la fin du XVIIème siècle, du fait des cumuls de charges, n’occupait qu’un logis et louait les autres.
Nous ne connaissons pas la forme de la maison au début de la Renaissance. Nous n’avons à notre disposition dans le dossier des Archives départementales du Maine-et-Loire n°G1277 qu’une fondation de messe datant de 1497 signée de l’abbé Guy Frémont, ainsi que son testament, datant de 1503, où il lègue ses biens personnels. Les biens dépendant de son bénéfice passeront à son successeur lorsque celui-ci aura été "présenté " par le chapitre et "collaté " par l'évêque. Pour le chapitre de Blaison, les présentateurs et collateurs sont différents; quelque fois un chanoine présente et le chapitre décide, une autre fois le chapitre est entièrement maître de son candidat, une large place étant réservée à l'autorité du Seigneur de Blaison, qui est par ailleurs le doyen du chapitre.
Une étude sur le chapitre de Blaison se penchera sur chacune des chapellenies, dans la limite des archives locales à notre disposition.
Pourquoi le nom de Ste-Croix? Il faut bien reconnaître que la question reste entière et qu'on ne peut émettre que des hypothèses qui n'ont pas été encore vérifiées. Le culte des reliques était très important : détenir une petite éclisse de la Vraie Croix de la crucifixion de Jésus-Christ pouvait représenter un trésor. L’ostensoir actuel de l’église contient dans son pied une bulle où il y a cette « relique ». Nous avions trouvé la marque de son existence, dans des questionnaires que devaient remplir les cures avant chaque visite épiscopale.
Cette relique constitue-t-elle le fondement de cette chapellenie : rien ne l'atteste par ailleurs. Le document que nous reproduisons en détail, ci-dessous, fait mention de la "croix que gère la maison de la chapelle Ste-Croix" .
Sainte-Croix :
Article 1 bis
ou croix que gère la maison de la chapelle Ste-Croix, le secrétain du chapitre de Blaison pour sa maison sise au bourg de Blaison, joignant d'un côté le "dos" de la maison, le jardin de la chapelle de Soulaire d'un côté, d'autre bout le chemin tendant de la ditte église à l'appce (appartenance) de la Porée.
doit un denier maille
Aveu du 7 décembre 1616 : aveu du fief du chapitre rendu à la baronnie de Blaison. Folio 11-48. art. 187 A
du 19 sept 1573 don de Guillaume Gaudin, chapelain de la chapelle de l'Epistolerie de Blaison pour la rente foncière de 4s, 2d, à luy dire pour une maison-cave-préau et appce sis au bourg de Blaison à 1dmail folio 765B
Art 112 bis :
plan 22
pour un jardin où il y a la maison sise au bourg de Blaison dépendant de la chapelle Sainte-Croix joignant vers midy, le cimetière de Blaison
doit 4 deniers de cens
du 1er sept 1503 : déclaration de Guy Frémont chapelain de la chapelle de Sainte-Croix pour une maison cour et jardin sise au bourg de Blaison à 5 deniers de cens, folio 269 art 1er A et folio 271 art 1er
du 11 juillet 1634 : don de Loüis Dutay, chapelain de la chapelle Sainte-Croix pour une maison cour et jardin sise au bourg de Blaison à 5 deniers de cens joignant d'un côté le cimetière de Blaison d'un côté la maison de veuve Trouillet, le chemin tendant de Blaison à Gohier entre les deux fol 3313 art 1er G
La maison de Sainte-Croix avait deux parties indépendantes. La chambre basse (à l'extrémité droite du dessin) n'avait qu'une ouverture sur le devant de la maison et aucune communication avec le cellier ou l'étage construit plus tard.
Pourquoi un ecclésiastique avait-il besoin d’une seconde pièce à sa maison ? On ne peut qu’avancer des hypothèses. La partie de droite pouvait être réservée pour accueillir des visiteurs de son rang qui venaient pour un évènement particulier et inhabituel ou pour servir de logement à un clerc en formation .
L’absentéisme était, aux XVIème et XVIIème siècles, un des maux dont souffraient le plus les chapitres. Pour y remédier, on faisait des rappels incessants et prenait des mesures sur la distribution de produits supplémentaires ("distribution manuelle"). Le règlement prévoyait que les chanoines occupassent leur résidence au moins 6 mois par an, de façon continue ou par intervalles . Il n’en était rien. Pour les chapelains, c’était un peu différent, car du fait de leur faible revenu, ils n’auraient pas manqué la distribution des « gros fruits » perçus en vertu de leur bénéfice, mais non plus les différentes distributions en nature pour stimuler les ardeurs à assister aux offices !!
Nos recherches actuelles consistent à établir, même partiellement quels chapelains ont détenu la chapelle Ste-Croix. Après la moitié du 17ème siècle, les chapelains ont rapidement délaissé leurs fonctions dans le chapitre local, leur nombre diminuant avec le temps, pour terminer à 4 quand arriva la Révolution. Ils louaient alors leur chapelle. Sainte Croix fut louée à partir de 1689.